Randonnée au Rocher du Bieley

La randonnée au Rocher du Bieley est sans doute l’une des plus célèbres de Belgique. Je n’y avais jamais errer. Alors en cet automne 2022, j’ai pris ma carte et je suis parti à la découverte de ce point-de-vue. Sans surprise, ce dernier est l’un des plus beaux de Belgique et j’oserais affirmer qu’il s’agit sans doute de la plus belle randonnée qu’il m’a été donné de faire en Ardenne. Vous me suivez, je vous y emmène.

Aux confins de l’Ardenne

L’automne, feuille à feuille s’écoule. Les forêts s’enflamment, les jours raccourcissent et les températures chutent. L’automne est le feu d’artifice qui annonce la solitaire et noire nuit de l’hiver. Adorateur de cette nature flamboyante, j’aime profiter de chaque nuance. Cette année j’ai décidé d’aller explorer les confins de l’Ardenne. En effet, entre l’Allemagne et le camps militaire d’Elsenborn s’étend l’une des zones les plus sauvages de Belgique.

Ce paysage n’a, pour ainsi dire, pratiquement pas bougé depuis le 19e siècle. Immergé au cœur de landes et de fonds de vallée humide entouré de forêts, il n’en faut pas plus pour s’imaginer en un quelconque endroit en Scandinavie. C’est précisément à cet endroit que prend pour décor la randonnée que je vais vous conter. Le rocher du Bieley est le plus haut de Belgique et sans doute le plus impressionnant, non pas pour ses mensurations mais pour sa théâtralité.

J’aime l’automne et l’hiver en Ardenne. J’ai l’impression que la forêt est encore plus riche en nuances, en odeurs, en sons… Alors que l’humain se terre dans le confort chaleureux de son foyer. J’aime goûter à l’intraitable rigueur du froid. Fou ? Non !

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Randonnée au Rocher du Bieley

A travers landes et forêts

La randonnée au rocher du Bieley, disponible en ligne, est relativement courte. Alors, j’ai plongé dans les cartes afin de tracer un parcours à ma sauce avec un peu plus de “single tracks” pour sortir un tracé de 14km. Arrivés la veille avec notre Blacksheep Van, Suzanne, Floki et moi, avons trouvé un spot à l’orée des bois d’Elsenborn afin d’être proches du départ et attaquer la journée dès l’aurore. Au petit matin, je trépigne d’impatience à l’idée de découvrir cette randonnée dont beaucoup de passionnés vantaient les mérites. Habituellement, j’aime faire ma propre trace, mon propre chemin et me laisser porter par la découverte. Cependant, l’aura romantique et romanesque de ce rocher perdu aux confins de l’Ardenne m’attire comme la quête d’un pieux pèlerin.

Au départ, la longue ligne droite qui nous accueille est peu engageante. Et pourtant, elle est une transition parfaite pour rentrer dans cette nature sauvage aux confins des territoires ardennais. Dès lors, elle devient une nécessité. Comme si elle nous permettait d’abandonner le linceul de la société à l’orée des bois. Au bout, la forêt se déchire au profit de la lande. J’ai une fascination pour ces zones de fagnes. J’ignore la raison ; sans doute une réminiscence de la Scandinavie à leur contemplation. Quoiqu’il en soit, elles m’apaisent. Il y a une forme de morbidité mélangé aux surannés des légendes gothiques qui s’entremêlent. Et puis cette odeur, vous avez déjà senti la lande ? Elle a une odeur si spéciale, un mélange de noisette, de musc et de foin séché.

Toute la vallée embaume de l’odeur de la lande et je suis transporté au 19e siècle, à une époque où la forêt faisait peur, où elle faisait disparaître les âmes en peine où elle faisait naître les légendes. Le croassements des centaines de corvus corax raisonnent à travers les sapins et baignent cette lente pérégrination d’une funeste ambiance…

Le rocher du Bieley

Le croassement des grands corbeaux étaient assourdissant alors que nous pénétrions au coeur du massif forestier. S’il y a bien une chose qui aura marqué cette randonnée au rocher du Bieley, c’est l’impressionnante présence de Corvus Corax. Son croassement, lugubre, nous a accompagnés durant toute notre approche. À notre passage, des nuées noires s’envolaient amplifiant encore cette polyphonie de la fin des temps. Il y avait longtemps que je n’avais pas été bousculé par la beauté d’une randonnée, a fortiori en Ardenne. Là sur cette sente en bordure de lande, accompagné par cette symphonie macabre, je viens à me dire que c’est probablement la plus belle randonnée que je suis en train de réaliser.

Cet endroit, cette nature, ce silence ! À mes yeux, l’un des plus bel endroit de Belgique, l’un des plus fragile aussi. Rappelle-toi de ton impact sur cette nature préservée. Respecte-là, protege-là, aime-là !

Puis, nous abandonnons la lande pour une hêtraie cathédrale, au coeur de l’obscurité résineuse. Rapidement, elle s’efface et une boulaie nous accompagne, blanche inspiration scandinave. Enfin, ces arbres tirent leur révérence pour faire place au rocher du Bieley. Ce dernier apparaît timidement : triste agglomérat de roche avant de prendre toute son envergure avec la vallée de Schwalmbach à ses pieds. Les méandres dessinent une perspective unique en Ardenne, élaborant ainsi l’un des paysage les plus “Friedrichien” de Belgique. Dès lors, je peux m’empêcher de prendre la pose, le regard perdu à l’horizon ; hommage au “Voyageur contemplant une mer de nuages“, premier “instagammeur de l’Histoire”.

Légendes d’automne

J’aime l’automne et l’hiver en Ardenne. J’ai l’impression que la forêt est encore plus riche en nuances, en odeurs, en sons… Alors que l’humain se terre dans le confort chaleureux de son foyer. J’aime goûter à l’intraitable rigueur du froid. Fou ? Non ! Le froid étouffe les sons, préserve l’expérience et réserve sa symphonie de couleurs à ceux qui l’affrontent. Le froid devient alors indissociable du silence, pas l’absence de sons mais l’absence de brouhaha, notre brouhaha, celui de l’homme.

Dans ces bois, nous n’avons croisés personne hormis les dizaines de corbeaux et les cervidés. Et la pause de midi, n’en a été que plus salvateur. Nous avons trouvé “notre” endroit. J’ai allumé mon Jetboil, fait chauffer l’eau pour nos lyophilisés et, en un instant, l’esprit de mes expéditions s’est invité. C’est alors à ce moment précis que je touche du doigt l’esprit de la microaventure : un condensé d’ailleurs, ici, tout de suite, à deux pas de chez soi.

Se replier dans la forêt est une réponse satisfaisante à la laideur du réel en même temps qu’un retour symbolique sous les frondaisons du monde onirique.

– Sylvain Tesson